Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

La lumineuse rose de Saverne : Louise Weiss (Projet Unesco)

 

L’opinion commune aurait tendance à penser que la rose attribuée à Louise Weiss à la roseraie de Saverne devrait être blanche, et bien non, elle est jaune, comme la lumière ! Car Louise Weiss (1893-1983) est une femme lumineuse, aussi brillante que radieuse.

 

 

 

 Rose « Louise Weiss », créée pour célébrer son centenaire

C’est ce que les élèves de TES et de TS1 ont appris en découvrant la section Louise Weiss du Musée de Saverne, située au Château des Rohan. Ils ont bénéficié, dans le cadre de leurs cours de philosophie, de deux visites guidées de deux heures chacune, le jeudi 19 octobre 2017, proposées par Gabrielle Feyler, conservatrice du Musée. Ils devront ensuite rédiger des écrits pour le fascicule « Louise Weiss » à réaliser dans le cadre du partenariat du lycée avec le Musée Louise Weiss. Ce fascicule devrait voir le jour courant printemps 2018.


    

 

Présentation par Madame Feyler, conservatrice du Musée

 

Les élèves ont donc découvert que cette femme au caractère trempé est parvenue à déjouer tous les déterminismes sociologiques de son temps pour devenir « libre de son destin ». Elle a tout d’abord contesté les vues rétrogrades de son père traditionaliste qui estimait qu’une fille de bonne maison se devait d’être avant tout une bonne ménagère. Il l’envoie dans une Kochschule en Bavière, d’où elle parviendra à se faire renvoyer assez rapidement… Et pour se venger de son père réfractaire aux études de sa fille, elle lui préparera tellement de gâteaux qu’il finira par la supplier d’arrêter ! Sa mère lui permettra de suivre des cours particuliers afin de pouvoir mener des études supérieures (rappelons qu’à l’époque les filles ne pouvaient même pas passer le baccalauréat, donc les études supérieures leur étaient a fortiori presque inaccessibles). Elle excelle : elle devient en 1914 la plus jeune agrégée de lettres féminine de France, à 21 ans. Réponse de son père à l’annonce du résultat : « J’aurais préféré que son frère obtint Polytechnique ». Tout est dit.

 

Mme Feyler met en lumière l’impact politique de la revue hebdomadaire

 

L’Europe Nouvelle dirigée par Louise Weiss

 

Elle n’en maintiendra pas moins sa volonté farouche d’émancipation : refusant le poste d’enseignante qui lui était proposé, elle se lance avec audace dans le journalisme, milieu essentiellement masculin à l’époque. D’abord sous un pseudo, Louis Lefranc, puis en abrégeant son prénom L. Weiss, concessions nécessaires pour avoir le droit à la parole dans une époque où les femmes n’en ont quasiment pas, elle écrit de remarquables articles qui lui forgent une solide réputation. Co-fondée en 1918, la revue l’Europe Nouvelle, qu’elle dirigera de 1922 à 1934, lui servira de tribune pour promouvoir la paix sur le continent européen, suite aux massacres de la première guerre mondiale. Cette revue de politique internationale sera lue dans les milieux dirigeants et exercera une influence diplomatique certaine, en particulier sur Aristide Briand, ministre français des affaires étrangères. Directrice d’un journal de renom à 25 ans, elle renverse les codes de l’époque. Avec sa perspicacité d’analyse de la politique internationale, elle comprend rapidement que l’Europe nouvelle ne pourra pas se construire avec l’Allemagne nazie : « On ne pactise pas avec Hitler » écrira-t-elle comme édito le 15 novembre 1933. Après avoir dénoncé les lois antisémites nazies, elle quitte le journal en 1934.

 

 

 

Mme Feyler explique comment Louise Weiss a œuvré avec Aristide Briand pour un rapprochement franco-allemand, la construction d’une union européenne et la promotion de la Société des Nations entre 1918 et le début des années trente.

 

 

 

 

 

Avec un t-shirt « féministe », cette élève est une digne héritière spirituelle de Louise Weiss !

De 1934 à 1936, elle mènera des actions spectaculaires pour l’obtention du droit de vote des françaises : « Les françaises sont majeures pour leurs fautes, mais pas pour leurs droits ! Messieurs accordez leur le droit de vote ». Persuadée que les femmes pourraient influencer la politique de manière pacifiste, elle invente des coups d’éclats médiatiques pour promouvoir la cause des françaises, afin de les rendre électrices, mais aussi éligibles. Elle se présente à des élections fictives. Entourée de nombreuses suffragettes, elle brûle les chaînes de la servitude féminine place de la Bastille ou offre des myosotis aux députés (fleurs qui signifient : « ne m’oubliez pas »). Elle obtiendra gain de cause, mais bien plus tard, en 1944.

 

Les suffragettes de l’association « La femme nouvelle », dirigée par Louise Weiss, brûlent les chaînes de leur servitude.

 

Ayant participé à un réseau de résistance Patriam recuperare, sous le nom de code Valentine, et ayant écrit dans le journal clandestin la Nouvelle République, lors de la seconde guerre mondiale, elle entame une carrière de grand reporter de 1945 à 1975. Elle sillonnera le monde pour faire des études de polémologie (science sociologiques des causes de la guerre). Secrétaire générale de l’Institut de polémologie à Paris, co-fondé avec Gaston Bouthoul, elle écrit dans le journal de l’Institut Guerre et Paix des articles suite à ses enquêtes sur le terrain. Elle mettra en évidence comment des facteurs récurrents comme la démographie, l’économie, le tempérament des peuples, l’histoire et la culture des pays, contribuent à créer des situations belligènes, en particulier dans le contexte de la décolonisation et de la guerre froide. Elue députée au Parlement européen en 1979, elle prononcera le discours inaugural de la première session en tant que doyenne d’âge, ce qui constitue une consécration de son combat en faveur de l’Europe et de l’éligibilité des femmes. Dans son ouvrage Tempête sur l’Occident, elle avertit que « l’arme absolue » qui menace « la civilisation occidentale » postmoderne est « le conditionnement des cerveaux », remarque d’une perspicacité et d’une actualité surprenantes !

Claire Le Van.