Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

Le 17 octobre 2022, quatre classes du lycée du Haut-Barr bénéficient d’une intervention d’Amnesty International organisée par Edwige Lanères, leur professeure de français : deux étudiantes membres de l’ONG viennent sensibiliser les jeunes aux enjeux liés à la Coupe du Monde de football masculin au Qatar.

Célia, membre d’Amnesty International, prend la parole devant la 1èG2 et les élèves de T-HLP (Humanités, Littérature et Philosophie). Ce premier groupe est encadré par Matthieu Rohmer, professeur d’Histoire-Géographie, Laetitia Walther, professeure de religion, et Edwige Lanères, professeure de français.

Depuis des années, Amnesty International enquête sur les conditions des travailleuses et travailleurs migrants au Qatar, dans le cadre de la construction des infrastructures destinées à accueillir la coupe du Monde de football masculin en novembre 2022. Cette ONG a œuvré pour que cesse la pratique injuste de la kafala, un système de parrainage dont les dérives entraînaient, pour les personnes venues travailler au Qatar, une privation de liberté : elles ne pouvaient pas quitter leur emploi, malgré les importants retards de salaire et les conditions de travail très pénibles qui leur étaient imposées, puisque certains employeurs leur confisquaient leur passeport. Malgré les nombreuses alertes lancées à propos de l’exploitation des femmes et des hommes immigré·es au Qatar, il n’a pas été possible d’endiguer ce fléau ; selon l’enquête du Guardian, un journal britannique, plus de 6500 personnes seraient décédées, des suites des traitements inhumains qui leur ont été infligés. Les jeunes citoyennes et citoyens du lycée du Haut-Barr ont été amené·es à s’interroger sur cette grave atteinte aux droits humains.

Pour que la rencontre des élèves avec les membres d’A.I. soit fructueuse, les élèves des quatre classes ont effectué en amont un travail de recherche, en cours de Français, en lien avec le travail sur l’argumentation. Pour la classe de 1ère, cette action s’inscrit dans le cadre de la séquence prévue dans le programme par le ministère de l’Education Nationale : « Ecrire et combattre pour l’égalité » ; c’est exactement ce que font les lycéen·nes, en rédigeant des cartes destinées aux joueurs de l’équipe de France.

Questionnaire sur les conditions des travailleurs et travailleuses migrant·es au Qatar.

Enfin arrive la journée consacrée à l’intervention des membres d’Amnesty International, attendues avec impatience par les élèves. Le déroulement des rencontres a été préparé avec un sens aigu du rythme par les deux étudiantes : Célia et Gwenaëlle.

1ère étape : quelques règles simples, pour bien s’entendre. 


« J’ai une petite voix, explique Célia. Pour ne pas devoir forcer, je propose un geste simple : si l’un ou l’une d’entre nous a besoin du silence pour s’exprimer et être entendu·e, nous pouvons mettre les mains en chapeau, au-dessus de la tête. C’est assez visible, et tout le monde comprend. Ça vous va ? »
Les jeunes ont si bien adopté ce système que le geste est resté le même, en classe : les plus bavards mettent souvent les mains en triangle au-dessus de leur tête, et le silence s’installe instantanément.

Quand une étudiante ou un·e lycéen·ne met les mains en chapeau au-dessus de la tête, le silence s’installe : simple, et efficace !

2ème étape : une activité brise-glace, pour faire connaissance, tout en remuant déjà quelques idées citoyennes dans les esprits des lycéen·nes. Assis·es en cercle dans le CDI, les élèves écoutent les consignes exposées par Célia : « Quand je dis ‟Avis de tempête !”, vous écoutez l’affirmation que je vais énoncer. Il faut que cette phrase me concerne personnellement, tout en concernant éventuellement d’autres personnes parmi vous. Si vous vous reconnaissez dans mon affirmation, vous vous levez pour changer de place. Comme il manque une chaise, l’un·e d’entre nous restera debout au milieu du cercle. Alors il ou elle devra à son tour énoncer une vérité qui le / la concerne. Vous êtes prêt·es ?... J’aime le chocolat ! » L’effet est immédiat : pratiquement tout le monde se lève et se précipite pour trouver une autre place assise. Les réflexes s’aiguisent, les rires fusent, la glace est brisée ; première mission accomplie ! 

La 2de2 réagit prestement à un « avis de tempête » lancé par Célia.

Anodines, farfelues, embarrassées, créatives ou politiques, les propositions des élèves fusent très vite : « Je pratique un sport. » « Je porte un jean. » « J’adore lire des livres. » « Je connaissais déjà Amnesty international. » « Je me tiens au courant de l’actualité via les réseaux sociaux. »

La 1ère G2 et le groupe de spécialité HLP lancent des avis de tempête tantôt consensuels, tantôt plus ciblés.


La 2de4 se prête au jeu.


La dernière déclaration, celle de l’étudiante Célia, propulse une poignée d’élèves hors de leur siège : « J’ai déjà participé à des manifestations. »

3ème étape : exposé sur l’ONG Amnesty International et les parcours des étudiantes.
Bien échauffé·es, les élèves placent le mobilier du CDI en mode conférence, pour écouter Gwenaëlle et Célia raconter leur parcours et expliquer leur engagement au sein d’Amnesty International. Gwenaëlle est une jeune professeure d’allemand stagiaire, en lycée technologique ; elle a pris conscience de l’importance d’un engagement citoyen en discutant avec des étudiants membres de l’ONG. Célia a commencé des études de Sciences Politiques, mais elle a ressenti le besoin de s’investir plus concrètement auprès des jeunes. Aussi a-t-elle bifurqué vers une filière de formation permettant d’exercer le métier d’éducatrice. En parallèle, elle s’est inscrite au sein de l’Antenne Jeunes d’Amnesty International, à Strasbourg ; cette association propose des formations pour éduquer à la citoyenneté, et c’est ce volet qui l’intéresse particulièrement. Voilà comment ces deux jeunes femmes se retrouvent ici, au lycée du Haut-Barr, pour sensibiliser les élèves de quatre classes au respect des droits humains.

Gwenaelle et Célia expliquent leur parcours et leur engagement au sein d’Amnesty International, pour les élèves de 2de2, encadrés par Edwige Lanères, Laëtitia Walther et Viviane Koch


Gwenaelle raconte son engagement auprès d’Amnesty International.


Gwenaelle et Célia expliquent les objectifs et le fonctionnement de l’ONG Amnesty International.
Les documentalistes Isabelle Gourmelon et Céline Buttin veillent au bon déroulement des interventions.


4ème étape : visionnage d’une vidéo sur l’exploitation des travailleurs et travailleuses migrant·es au Qatar, puis échange sur ce documentaire.
Après un bref dialogue entre les élèves et les étudiantes sur les caractéristiques essentielles de l’Organisation Non Gouvernementale, nous visionnons une vidéo très synthétique réalisée par Amnesty international pour expliquer la situation des travailleurs et travailleuses migrant·es au Qatar.

Le documentaire sur les conditions des travailleuses et travailleurs migrant·es au Qatar ne laisse personne indifférent…

Les réactions des jeunes sont à la fois sensibles et sensées : même les plus fervents adeptes des matchs de foot sont indignés par le sort réservé aux ouvriers, aux femmes de ménage et à toutes les personnes immigrées, qui travaillent douze heures par jour dans des conditions extrêmement rudes, au mépris du droit du travail. 

Echange entre les étudiantes et la classe de 1èG2.

« En aucun cas Amnesty International n’appelle à interdire la Coupe du Monde, expliquent les étudiantes. Au contraire, nous nous servons de cet événement pour diriger les projecteurs sur ces violations des droits humains. Si vous souhaitez boycotter cet événement quand il sera diffusé en direct, libre à vous, mais ce qui importe le plus, pour nous, c’est d’œuvrer en faveur de la justice, et d’éviter, autant que possible, que de telles iniquités se reproduisent. »


5ème étape : Blind test sur les musiques des dernières coupes du Monde de football masculin.


Pour alléger un peu l’atmosphère alourdie par ces visions de personnes en détresse, Célia propose un blind test. Elle diffuse plusieurs morceaux de musique, et les élèves doivent deviner les titres et les noms des chanteurs ou chanteuses. Très vite, les jeunes comprennent qu’il s’agit des morceaux officiels des dernières coupes du monde de foot ; certain·es trouvent rapidement les titres de ces airs, mais plusieurs filous du dernier rang trichent en utilisant l’application Shazam…

Blind test sur les musiques des dernières Coupes du Monde de football masculin, en 2de2.

6ème étape : "Un pas en avant"


Au cours de leur formation au sein d’A. I., les étudiantes ont appris une activité très efficace pour nous faire prendre conscience des inégalités entre les humains. Elles le présentent comme un jeu : "Un pas en avant". Tou·es les élèves se placent sur une même ligne. Les étudiantes, aidées par les professeur·es, distribuent à chaque élève une banderole de papier sur laquelle est déclinée, en deux lignes, l’identité virtuelle du joueur, ou de la joueuse. 

Des bandelettes de papier distribuées aux élèves les transforment un instant en travailleurs migrants, en touristes européennes ou en femmes d’Arabie Saoudite.

Laetitia Walther, Gwenaelle et Célia distribuent les identités aux élèves de 2de2.

Ainsi, Hakim devient « une touriste allemande qui vient assister aux matchs de la Coupe du Monde, à Doha ». Enzo est « une femme qatarie ». Romane est « un Népalais parti travailler au Qatar, pour la construction des stades de la Coupe du Monde de foot, afin d’envoyer de l’argent à sa famille ». Aleyna se transforme en un « supporter brésilien ». Mme Lanères en un « travailleur bangladais ». 

Célia explique aux élèves de 1èG2 les règles du jeu « un pas en avant », 
sous le regard de Matthieu Rohmer.

« Je vais énoncer des activités, déclare Célia. En fonction de l’identité que vous avez reçue, si vous estimez que vous pouvez faire l’action citée, vous avancez d’un pas. Si, au contraire, vous pensez qu’il est impossible, pour vous, d’accomplir l’acte énoncé, alors vous restez sur place. Vous pouvez fermer les yeux si vous le souhaitez, afin de ne pas être influencé·es par l’avancée ou l’immobilité de vos camarades. »

La 2de2 sur les starting blocks, au départ du jeu « Un pas en avant ».

Aligné·es en silence, paupières closes, les jeunes se concentrent. « Je peux sortir quand je le veux, et vêtu·e comme je le souhaite. », affirme Célia. Un pas en avant pour les élèves aux identités les plus permissives. D’autres restent sur place. D’autres encore hésitent, ignorant ce qui est permis à une travailleuse du Sri Lanka ou à un visiteur chinois. Et puis cela dépend de son rang social, de son cadre de vie… Bien des questionnements surgissent dans les esprits des joueurs et joueuses. « Je peux prendre des douches et me nourrir de façon satisfaisante », enchaîne la maîtresse du jeu. » Même mouvement inégalitaire. « J’ai le droit d’assister aux matchs de la Coupe du Monde, dans les gradins du stade. » « Je peux embrasser en public une personne du même sexe que moi. » Les actes proposés creusent rapidement un fossé entre les personnes. Celles qui sont issues d’un état démocratique peuvent exercer la plupart des droits représentés dans les propositions énoncées, tandis que leurs confrères et consœurs des états théocratiques comme le Qatar, ou bien celles qui vivent dans la misère, n’ont pas la possibilité de vivre comme elles l’entendent ; elles sont privées de presque toutes les libertés.
« Ouvrez les yeux, en gardant votre place », demande Célia lorsque sa liste d’actions prend fin. Un peu déboussolé·es, les jeunes voient leurs camarades resté·es « sur la touche », tandis que d’autres ont avancé jusqu’au mur opposé.

Les élèves de 2de4, changé·es pour un moment en femmes qataries, en ouvriers népalais ou en touristes allemandes, avancent ou restent inertes, en fonction de leur identité de substitution. C’est une expérience marquante !

« Qu’avez-vous ressenti ? s’enquiert l’étudiante. Qu’est-ce que cela vous fait, à vous qui ne pouviez pas avancer, alors que vos ami·es partaient sans vous ? Et vous qui avez si bien avancé, quels ont été vos sentiments lorsque vous partiez devant, en laissant vos proches derrière vous, sans pouvoir les aider ? 
- Je trouvais ça injuste, répond Pierre. J’étais une femme qatarie et, malgré ma richesse -ou plutôt celle de mon mari-, je n’avais aucun droit. 
- Moi non plus, renchérit Antonin.
- Tandis que moi, citoyen américain, je pouvais tout me permettre ! fanfaronne Noah, juché sur une chaise. »

Certain·es élèves, nanti·es d’une identité « démocratique » ont avancé d’un pas à chaque proposition, tandis que d’autres sont demeuré·es en arrière.


« Mon identité était celle d’une fille européenne, donc je pouvais avancer presque à chaque fois, reconnaît Anaïs, mais certaines activités ne m’étaient pas permises, par exemple : sortir seule, le soir, alors que les garçons, les frères, eux, ont ce droit. »
C’est vrai : il ne suffit pas de vivre dans un état démocratique et d’avoir un revenu acceptable, pour être libre. 

Lou et Mahla font part des émotions ressenties en s’identifiant à des personnes privées de tous droits.

Retour sur les impressions des élèves suite à l’activité « Un pas en avant », qui met en espace, concrètement, les inégalités entre les humains.

Les jeunes s’interrogent sur les droits des personnes vivant au Qatar, mais aussi en Arabie Saoudite, en Allemagne, en Inde, en Afghanistan, en Iran…

Emma, Tiffany et Manon, futures bachelières de terminale HLP, semblent comprendre l’intérêt de cette mise en espace : par notre corps, par son inertie ou son mouvement, nous ressentions physiquement la terrible injustice, l’inégalité révoltante entre les humains, selon le régime politique de l’Etat dans lequel ils et elles vivent, et en fonction de leurs revenus. 


7ème étape : exposition Amnesty International sur les travailleurs migrants et leurs familles

En Malaisie, cette mère attend le retour de ses fils, partis travailler au Qatar.

Un jeune travailleur Népalais, logé dans une zone industrielle à deux heures des chantiers qui l’emploient.

Gwenaëlle et Célia ont apporté une douzaine de panneaux qu’elles ont exposé dans le CDI : des photographies d’ouvriers de différentes nationalités travaillant au Qatar pour la construction des stades, des routes, des hôtels de luxe… Et leurs familles : femmes et enfants resté·es au pays. Chaque cliché est accompagné d’un commentaire expliquant la situation de ces personnes au moment où la photo a été prise.

Lou, Mahla et Amandine observent les photographies des travailleurs migrants au Qatar et de leurs familles.

Romain, Ianis, Manon, Ethan, Aïdan, Reyan et Jolan lisent les explications sur l’exploitation des travailleurs par les employeurs, au Qatar. 

Une femme népalaise doit vivre sans son mari, parti travailler au Qatar.

8ème étape : écriture des cartes, et distribution des bracelets et des badges.


Ressentir l’injustice, comprendre les ressorts de ces iniquités, c’est important. Mais il importe aussi d’agir, en tant que citoyennes et citoyens. Même à 15, 16 ou 17 ans, l’on peut œuvrer en faveur d’un monde meilleur. En l’occurrence, nous avons apporté des cartes « Ramener la coupe à la raison » ; les jeunes volontaires peuvent s’adresser au(x) joueur(s) de leur choix, pour leur faire part de leur admiration (s’ils / elles le souhaitent), et leur demander d’exprimer enfin leur désapprobation à l’encontre de l’exploitation des personnes qui ont construit les infrastructures, et qui les entretiennent pour des sommes dérisoires et dans des conditions inhumaines. Les équipes allemande, danoise, hollandaise, norvégienne avaient affiché leur soutien aux humains maltraités par leurs employeurs au Qatar, dès le début de l’année 2021, comme le montre ce mini reportage de France info :


https://www.francetvinfo.fr/monde/moyen-orient/football-plusieurs-equipes-nationales-au-soutien-des-ouvriers-du-qatar_4350837.html


Un an et demi plus tard, l’équipe française n’a toujours pas réagi. Nos jeunes espèrent susciter un réveil de la part de leurs champions ou de leur entraîneur, au nom de l’humanité.

Les élèves de 1èG2 rédigent des cartes destinées aux joueurs de l’équipe de France de football masculin.

Les élèves de 2de2 écrivent également aux joueurs.

Les cartes rédigées par les élèves des quatre classes ont été envoyées à Amnesty International, qui s’est chargée de les faire parvenir aux joueurs de l’équipe de France de football masculin.

Ethan, Romane, Maxens, Noah, Aleyna et Rose jouent au mémo d’Amnesty International sur les droits humains. 

« Que signifie ce symbole ? C’est le droit à la santé ? »
Timm, Daniel, Aaron, Emma, Mael et Laetitia Walther décryptent les dessins et les pictogrammes représentant les droits universels présents dans la DUDH (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Human Rights »).

Les professeures et leurs élèves sont invitées à écrire le bilan des interventions : les succès, les points à améliorer... Tout le monde salue la richesse des activités proposées, et la qualité des échanges : un grand bravo aux deux intervenantes !

Merci à vous, Célia et Gwenaelle !

Célia distribue des bracelets, des autocollants et des badges portant la revendication d’Amnesty : « Ramener la coupe à la raison ».
Ici, Amandine, Anaëlle, Céléna et Alice viennent remercier l’étudiante pour les actions qu’elle a menées « de main de maîtresse » avec sa comparse Gwenaelle.

Nancy et Maëlys arborent leurs bracelets et stickers : 
« Ramener la coupe à la raison ».