Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

 
 
En cette matinée neigeuse du 19 mars 2021, la 2de2 du lycée du Haut-Barr reçoit Valentin Glavasevic, éducateur au sein de l’association THEMIS, invité par Isabelle Gourmelon, documentaliste, Edwige Lanères, professeure de Français, et Véronique Wierel, infirmière. L’objectif est de lutter contre toutes les formes de discrimination subies ou perpétrées par les élèves.
 
La réponse de cette devinette se trouve dans l’article...
Dans le CDI, les chaises sont alignées, face à face ; Valentin organise un débat mouvant. La règle est simple : il énonce une proposition ; les jeunes qui sont d’accord se placent à sa gauche, et les opposants à droite. 
- « Les garçons sont moins sensibles que les filles ». On se lève, on hésite, on suit le troupeau, ou l’on reste à sa place. Les convictions flottent, s’affirment, changent, évoluent en fonction des camarades et de leurs arguments. 
 
 
- « La plupart des jeunes sont paresseux. » Enorme mouvement de foule vers la rangée « D’accord ». « Oui, je suis paresseuse, affirme Daphné. Si je le pouvais, je passerais la journée au lit, à ne rien faire ». « Mais tout dépend de ce que vous appelez paresseux rétorque Nathan ; il y a des jeunes qui n’aiment pas aller en cours ou faire les devoirs, mais ils font du sport. » « Oui, moi je n’aimerais pas passer ma journée au lit, ajoute Victor D. Je m’ennuierais. » « Et moi je dois aider à la maison, m’occuper de la lessive », précise Benjamin, devant ses camarades surpris.
Chaque question, chaque déplacement suscite des débats que l’intervenant recentre habilement, de façon à donner la parole à tout le monde.
- « La plupart des immigrés qui arrivent en France viennent pour profiter du système. » « Ce n’est pas vrai, martèle résolument Romain. C’est ça ou la mort. » « Mais ils profitent d’une sécurité qu’ils n’avaient pas dans leur pays en guerre, j’en aurais fait autant », rétorque Benjamin. « Que voulez-vous dire par "profiter du système" ? » s’enquiert Mathilde. Rapidement, ce sont les mots qui font débat, avec tout leur poids de connotations plus ou moins péjoratives.
    - « La plupart des délinquants viennent des quartiers. » Cette fois, les trente-cinq élèves se répartissent de façon presque équitable entre les deux rangées. « Je viens des quartiers, lance Alyssia. Je ne suis pas une délinquante pour autant. Il y a des gens qui vendent de la drogue, ou qui caillassent des voitures de gendarmes, c’est vrai, mais c’est pas tout le monde. » « Je vois que vous nuancez les propos, intervient Valentin ; c’est intéressant. » « Oui, répond Mathilde : dire que tous les jeunes des quartiers sont des délinquants, c’est un stéréotype. » « Les stéréotypes aboutissent sur des préjugés, effectivement ; on en reparle tout à l’heure », annonce l’éducateur.
 
 
 
Yannis Klein, employé dans le lycée en tant que Service Civique, interrompt son reportage photo pour participer au débat : « En tant que pompier volontaire, je constate que le 14 juillet et à Nouvel an, dans certains quartiers de Strasbourg, des jeunes s’amusent à cramer des voitures. « Ça, c’est la rivalité entre Haut-Rhin et Bas-Rhin, reprend Valentin : c’est à qui en brûlera le plus.
    - « Mais tous les délinquants ne sont pas des pauvres ; il y a des délinquants qui sont riches, avance Suzel ». « C’est ce qu’on appelle la délinquance en col blanc, précise notre intervenant : c’est ainsi qu’on appelle les détournements de fonds et autres délits ou crimes des hommes politiques dont vous entendez parler aux informations en ce moment. »
 
 
La débat mouvant a été intense ; les jeunes prennent une petite pause, avant de passer à la deuxième partie de l’intervention : des échanges à partir de mini vidéos. Promue assistante de Valentin, Laura lance les diapositives et les films.
Le premier court métrage vise à interpeler les jeunes sur les stéréotypes que nous avons tous, et qu’il s’agit de déconstruire. Dans un café, un jeune homme savoure des donuts. Assis en face de lui, un homme plus âgé, aux cheveux longs, et vêtu d’habits plus amples, prend une pâtisserie dans le sachet. Notre jeune homme se dit que l’autre doit être un SDF ; aussi décide-t-il de ne rien lui reprocher. Il reprend un donut ; le vieillard en fait autant. Un peu agacé, le protagoniste continue lui-aussi à engloutir les gâteaux, en même temps que l’inconnu. Ce dernier partage le dernier donut, il en offre la moitié au jeune, et s’en va. Finalement, en soulevant sa veste, notre héros découvre son sachet de donuts intact. En réalité, c’est lui qui a dévoré les pâtisseries du vieil homme. Pourquoi l’avait-il pris pour un SDF ? A cause de ses cheveux longs, de sa veste brune, de sa peau basanée... Ce sont des stéréotypes. Prenons conscience de ces constructions mentales que nous portons en nous. Ces repères nous aident à nous structurer, notre cerveau en a besoin, certes, mais il importe de les connaître, pour éviter de tomber dans les comportements discriminants.
 
 
Voici justement une déclaration stéréotypée : « Les femmes s’occupent mieux des enfants ». Les réactions sont vives, dans la classe : « C’est peut-être vrai, pour la plupart des femmes, constate Alyssia, mais c’est parce qu’elles ont été programmées pour s’occuper des enfants : aux fillettes on offre des poupées, et aux petits garçons des jouets pour bricoler ». « Et tu dis que c’est parce que vous êtes programmées que vous vous occupez des enfants ? s’emporte Victor A. Tu es en train de prétendre qu’il n’y a pas d’instinct maternel, peut-être ? »
    - Calme-toi, répond Alyssia. L’éducateur intervient pour que le débat se poursuive calmement, sans emportement. S’écouter les uns les autres, posément, c’est aussi un apprentissage.
J’ai une devinette, propose Valentin. C’est un papa qui emmène son jeune garçon à l’école. Malheureusement, l’enfant est renversé par une voiture. Son père l’emmène à l’hôpital. Mais le médecin annonce : « Je ne peux pas l’opérer, c’est mon fils. » Qui est le médecin ?
Le mal que nous avons à trouver la réponse prouve que le langage invisibilise les femmes. Cela prouve que, quand nous disons « le médecin, l’auteur, le lecteur », nous nous représentons automatiquement un homme, et c’est normal. Pour cesser d’invisibiliser les femmes, disons simplement « la médecine, l’autrice, la lectrice ». A fortiori quand une société comprend autant, sinon davantage de médecines, d’autrices et de lectrices que d’hommes médecins, auteurs et lecteurs.
    - C’est sa mère, répond un élève.  Bravo !  j’avoue que je n’avais pas trouvé la réponse, quand on m’avait dit cette énigme, reconnaît l’éducateur.
 
 
Sur la deuxième vidéo, une jeune femme noire visite un appartement. La propriétaire dévisage ostensiblement la visiteuse, qui déclare que ses moyens financiers vont bien au-delà de ce qui est demandé pour ce logement. Pourtant, la propriétaire refuse de lui louer l’appartement, sous prétexte qu’elle a déjà accepté un autre locataire. Manifestement, cette discrimination liée à la couleur de peau reste extrêmement fréquente.
 
 
« La loi répertorie vingt-cinq critères de discrimination pour lesquels nous pouvons porter plainte, si nous parvenons à prouver le méfait commis par la partie adverse, nous apprend Valentin. Pouvez-vous en répertorier au moins une partie ? » L’orientation sexuelle ! lance Nora. – Le genre. -Les opinions politiques. – L’apparence physique (taille, poids, etc). La religion, ajoute Corentin. Le langage. La situation familiale. L’âge, ajoute Guillaume. Le milieu social, tente Thomas. Les mœurs, avance la professeure. Les handicaps. La génétique, précise l’intervenant. Les syndicats. L’appartenance à une ethnie. La domiciliation bancaire. Le nom. Le lieu de résidence. L’état de santé. Une grossesse.
    - Oui, intervient Mathilde, on nous a dit qu’avant d’employer une femme d’environ trente ans, de nombreux employeurs lui demandent si elle envisage d’avoir un enfant.
    - Mais c’est interdit, rétorque Victor.
    - Certes, concède Valentin, mais là encore, il est très difficile de prouver les faits, si bien que les actes discriminants continuent à être perpétrés, même s’ils sont interdits par la loi.
 
 
Personne n’a vu le temps passer ; les élèves ont pu s’exprimer, être écoutés, échanger leurs avis, leurs expériences, grâce à l’encadrement efficace de ce professionnel. Il leur transmet le site sur lequel les jeunes peuvent faire appel à l’association Themis, si nécessaire : antidiscriminations.fr
Un numéro vert vient également d’être créé : le 3928.
 
 
Pour clore la séance, les élèves flashent un QR code vidéo-projeté ; ils et elles répondent, sur leur téléphone, à un rapide questionnaire dans lequel on leur demande leur avis sur cette intervention. Manifestement, les jeunes ont beaucoup apprécié ce temps d’échange et de débat !
 
 
L’intervenant termine sur un rappel : « Les comportements discriminants peuvent détruire des personnes. Vraiment. Au sens propre. »
Nous remercions chaleureusement Valentin et l’association Themis pour cette intervention, et de façon plus générale, pour l’aide qu’iels apportent aux jeunes en détresse. 
Merci également à Laetitia Didier, professeure de SNT activement impliquée dans la sensibilisation des jeunes sur les stéréotypes, et à Yannis Klein, pour son reportage photographique de qualité.
Et je remercie Véronique Wierel, l’infirmière du lycée, ainsi qu’Isabelle Gourmelon, d’avoir bien voulu contacter la THEMIS, et d’avoir mis en place l’exposition sur laquelle nous allons travailler à présent, afin de poursuivre la lutte contre tous les types de discrimination.
Enfin merci aux élèves de 2de2 pour leur participation dynamique et engagée !
Edwige Lanères