Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

Photo N. 1 : Le spectacle York à l’Espace Rohan.

Mardi 13 décembre 2022, trois séances d’accompagnement d’une heure chacune, avec le metteur en scène Serge Lipszyc et l’acteur Yann Siptrott, de la Compagnie du Matamore, ont eu lieu au lycée du Haut-Barr dans le cadre de son affiliation au réseau des écoles associées à l’UNESCO, pour la Terminale Générale 1 (TG1), puis pour la Terminale et la Première de la spécialité « Humanités : Littérature et Philosophie » (THLP et 1HLP), et enfin, pour la Terminale de la spécialité Anglais Monde Contemporain (TAMC), afin de leur présenter et de mettre en contexte deux pièces de William Shakespeare : la dernière partie d’Henry VI et Richard III. En effet, ces presque soixante-dix élèves, ont été inscrits par Mme Claire Le Van (enseignante de philosophie) pour les TG1 et 1HLP, Mme Edwige Laneres (enseignante de Lettres) pour les THLP et Mme Aurore Bernard (enseignante d’Anglais) pour les TAMC, dans les séances d’accompagnements qui préparent au spectacle York de Shakespeare, à l’affiche à l’Espace Rohan de Saverne, pour certains d’entre eux, le vendredi 13 janvier 2023 pour la représentation destinée aux scolaires (uniquement Henri VI), et pour les autres, le samedi 14 janvier 2023 lors de la représentation tout public (Henry VI et Richard III). A ces trois séances de présentation, se sont ajoutées deux ateliers de pratique artistique de deux heures avec le metteur en scène pour les élèves de chacune des spécialités : le lundi 09 janvier pour les deux classes de HLP et le mardi 10 janvier pour les TAMC. Ce parcours théâtralisé a été une pleine réussite, car très riche, tant intellectuellement qu’humainement parlant !

*Les trois séances de préparation


1. Avec les TG1 : 13/12/22 de 13h 35 à 14h 30


Serge Lipszyc, metteur en scène, et Yann Siptrott, acteur de la Compagnie du Matamore, ont été chaleureusement accueillis par l’enseignante de philosophie tout au long des différents ateliers. Elle les a tout d’abord présentés aux TG1, en précisant que cette séance était organisée pour permettre aux deux intervenants d’expliquer le contexte de l’œuvre, les choix dramaturgiques et scénographiques adoptés. L’enseignante a indiqué que dans les deux pièces de Shakespeare, il est question de « machiavélisme politique » : l’auteur décrit, dans un style ciselé, les actes sordides auxquels mènent une ambition démesurée, une jalousie féroce, un égoïsme aveuglant. Le narcissisme pathologique, notamment en politique, est véritablement pervers, ainsi que le révèle de manière éclatante la figure repoussoir de Richard de Glocester, futur Richard III.

Photo N. 2 : Un mot de présentation de Mme Le Van.


Le metteur en scène a expliqué aux TG1 que ces deux pièces historiques, Henri VI – Troisième partie - et Richard III, écrites à la fin du XVIème siècle, portent sur les combats entre deux familles, les York (dont le symbole est la rose blanche) et les Lancastre (qui ont la rose rouge comme emblème) pour l’obtention de la couronne d’Angleterre. Il s’agit de deux clans, opposés, en quête de pouvoir. Les personnages principaux s’apparentent à des monstres sanguinaires, prêts à tout pour imposer leur tyrannie : ils cherchent à s’imposer par la force, la manipulation, la persuasion et les crimes. Il s’agit d’un univers d’ultra-violence, où les protagonistes aboient et assassinent, portés par la soif inextinguible de s’asseoir sur le trône. Shakespeare est parvenu, par la magie du verbe et les couleurs des mots, à traduire cette noirceur en langage d’une poésie incroyable. « C’est un génie qui fait raisonner les mots, et nous offre grâce à son langage très métaphorique, un véritable voyage pour l’imagination », affirme Serge Lipszyc. L’auteur s’adresse à nos contradictions, et dépeint la turpitude de l’âme humaine. Son message intemporel invite à réfléchir à la servitude volontaire à laquelle consentent tous ceux qui acceptent, par naïveté ou lacheté, ces abus et ces dérives. « Ne laissons-nous pas trop souvent faire le pire ? », interroge le metteur en scène.


Photos 3 à 5 : Les TG1 bénéficient des éclairages du metteur en scène.


Serge Lipszyc a également donné des précisions sur sa mise en scène : il a choisi d’effectuer un traitement symbolique de l’histoire, en effectuant une mise en scène minimaliste qui présente des tableaux visuellement épurés pour bien clarifier les oppositions. Les quatre heures de spectacle sont jouées par 12 acteurs et les éléments scéniques sont peu nombreux : deux tables, un trône, quelques fauteuils… « Aujourd’hui, on est dans un monde qui croule sous les images, mais qu’est-ce que l’on voit encore ? On n’entend plus grand chose, on est sourd à une réflexion profonde. Le théâtre renverse les choses, fait confiance à l’intelligence, et permet d’entendre et de voir autrement ». La mise en scène convoque l’oreille en utilisant des effets sonores comme des bruits d’armes contemporaines, et captive le regard en faisant un travail sur la lumière, en mobilisant des effets de contraste, notamment des clair-obscur, mais aussi des fondus grâce au recours à des nuages de fumées artificielles. Puis le metteur en scène dessine un arbre généalogique au tableau présentant les deux familles et les renversements de pouvoir successifs. Il présente les différentes étapes de ces luttes comme une véritable saga, ce qui a pour effet d’amuser les élèves, tout en les faisant réfléchir.

Photos 6 et 7 : Arbre généalogique dessiné par Serge Lipszyc pour comprendre le contexte.

Photo 8 : Arbre généalogique retranscrit numériquement par Mme Le Van.

2. Avec les THLP et 1HLP : 13/12/22 de 14h 30 à 15h 25


L’heure suivante, où Mme Edwige Laneres nous a rejoint pour ce second atelier, ce sont les THLP et 1HLP qui ont bénéficié des éclairages du metteur en scène. Il a précisé que le théâtre de Shakespeare s’inscrit dans le théâtre élisabéthain, donc qu’il avait pour objectif de flatter la Reine Elisabeth en montrant les aspects les plus noirs des York, notamment de Richard III, en valorisant davantage les Lancastre, notamment Henri VI. Il a souligné la beauté de la langue shakespearienne et a insisté sur toutes les bassesses auxquelles se livrent les différents personnages pour arriver au trône. Il a précisé que Richard III représente dans la littérature la figure du diable : il est difforme et bossu, sanguinaire, manipulateur, violent et sournois. Bref, il incarne la figure du tyran cruel, il est une figure du mal. L’acteur Yann Siptrott, qui joue le personnage de Richard de Glocester va ensuite proposer aux élèves d’interpréter un texte tiré de Richard III, acte 1, sur les malédictions de Marguerite. Pour rendre le texte vivant, il profère ces paroles venimeuses sur une élève, Amandine Dinh, ayant accepté de jouer comme si elle était écrasée par leur poids.

Photos 9 et 10 : Explications de Serge Lipszyc aux HLP, puis interprétation de Yann Siptrott avec Amandine Dinh (1HLP) : les malédictions de Marguerite. 


3. Avec les TAMC : le 13/12/22 de 15h 35 à 16h 35


Après le départ de Mme Laneres, des explications ont ensuite été données aux TAMC, et Mme Aurore Bernard nous a rejoint pour ce troisième atelier. Le metteur en scène n’a pas pu rester, c’est donc Yann Siptrott qui a présenté l’arbre généalogique des York et des Lancastre, puis qui a proposé des exercices de lecture théâtralisées de plusieurs extraits d’Henry VI et Richard III à des élèves qui voulaient bien effectuer ces exercices d’oralité, et même aux deux enseignantes (anglais et philosophie), qui se sont pris au jeu ! Tous les textes ont été traduits de l’anglais en français par Serge Lipszyc (merci de nous les avoir généreusement partagés).


Scène entre Richard et Lady Anne, acte 1, scène 2 : Richard de Glocester : -Oui Edouard sait parler aux femmes ! Ah, Que n’est-il ravagé jusqu’à la moelle des os afin qu’aucun enfant ne puisse sortir de ses reins pour m’empêcher d’atteindre le rêve d’or auquel j’aspire. Et pourtant, même débarrassé d’Edouard le lubrique, Clarence, Henry et son jeune fils se dressent entre mes désirs et moi-même, sans compter toute leur descendance à venir. Réflexion réfrigérante pour mon ambition. Je ne fais que rêver au pouvoir absolu, pareil à un homme debout sur un promontoire qui aperçoit au loin la plage qu’il voudrait fouler et qui souhaite que ses pas puissent suivre ses yeux. Il maudit l’océan et parle de l’assécher pour atteindre son but. C’est ainsi que je rêve au trône si lointain, m’en prenant à tous les obstacles qui m’en séparent. Ainsi, je suis prêt à balayer toutes les entraves sur ma route. Ainsi, je me flatte de faire l’impossible. Mon œil est trop vif, mon cœur trop orgueilleux si mon bras ne peut les soutenir. Et supposons qu’il n’y ait pas de royaume pour Richard, quels plaisirs lui restent-ils en ce monde ? Devrai-je chercher mon paradis dans le giron d’une femme, me parer d’habits de lumière et enchanter les belles de paroles et de regards ? Pensée misérable et encore plus irréalisable que faire fortune en un instant. L’amour m’a rejeté, avant même que je vienne au monde, en soudoyant la douce nature. Elle a desséché mon bras, m’a gratifié d’un odieux monticule sur le dos et pour parachever le tableau, a taillé mes jambes d’inégales longueurs. Je suis un tout disproportionné, fruit du chaos, pareil à un ours mal-léché qui ne ressemble en rien à sa mère et je devrais être aimé ? Grossière erreur qu’une telle pensée ! Je n’aurai donc d’autres plaisirs sur terre que de commander, rabrouer et dominer tous ceux qui me sont supérieurs en beauté. Mon paradis, ce sera d’obtenir la couronne et ce monde me sera un enfer tant qu’elle ne sera pas portée par ce tronc difforme. Mais je ne sais comment faire. Tant d’hommes se dressent entre moi et ce but. Je suis comme égaré en plein maquis. Je crois trouver ma route et m’en écarte aussitôt. Il faudra bien que je sorte de ces tourments, quitte à me frayer le passage à l’aide d’une hache sanglante. Et quoi, je peux sourire et tuer en souriant, simuler la joie quand tout n’est que chagrin, pleurer, adopter mines et discours de circonstances. Je peux noyer les marins plus rapidement que les sirènes. Je peux tuer du regard plus vite que le basilic. J’argumente mieux que Nestor et trompe mon monde avec un art qui laisserait Ulysse pantois. Plus fort que le caméléon, donnant des cours au sanglant Machiavel, je serai incapable d’atteindre mon but ? Allons, tôt ou tard, je l’atteindrai ».

Commentaire philosophique pour les TG1 et THLP : Nous voyons là une illustration des manipulations politiques, où tous les moyens sont bons pour parvenir à la fin convoitée, à savoir l’accès et le maintien au pouvoir. Ce texte peut, entre autres, faire écho à un passage du Prince de Machiavel :

Machiavel, Le Prince, chapitre XVIII : « On peut combattre de deux manières ou avec les lois, ou avec la force. La première est propre à l'homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme celle-là ne suffit point, on est obligé de recourir à l'autre : il faut donc qu'un prince sache agir à propos, et en bête et en homme. Le prince, devant donc agir en bête, tâchera d'être tout à la fois renard et lion car, s'il n'est que lion, il n'apercevra point les pièges ; s'il n'est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; et il a également besoin d'être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups. Ceux qui s'en tiennent tout simplement à être lions sont très malhabiles. Mais, pour cela, ce qui est absolu et nécessaire, c'est de savoir bien déguiser cette nature de renard, et de posséder parfaitement l'art de simuler et de dissimuler. Les hommes sont si aveuglés, si entraînés par le besoin du moment, qu'un trompeur trouve toujours quelqu'un qui se laisse tromper ».

 

Photos 11 et 12 : Explications aux élèves de TAMC par le comédien, puis exercices de lectures théâtralisées (deux extraits ici retranscrits).

Les malédictions de Marguerite à l’acte 1 : Marguerite : « Vous étiez tous à vous étriper avant que je vinsse et voilà que vous faîtes front contre moi. La malédiction d’York a-t-elle à ce point prévalu près du ciel que la mort d’Henry, la disparition d’Edouard, la perte du pouvoir et mon triste bannissement ne contrebalance la mort de ce marmot dérisoire ? Les malédictions peuvent-elles percer les nuages et gagner les cieux ? Alors, sombres nuages, laissez passer mes malédictions foudroyantes : que votre Roi meure en pleine débauche comme le nôtre a péri assassiné pour le faire Roi. Qu’Edouard, ton fils, meure assassiné dans sa jeunesse comme Edouard mon fils est mort assassiné dans la sienne. Toi, qui est Reine comme je le fus, puisses-tu survivre à ta splendeur pour terminer comme moi, misérable ! Puisses-tu vivre assez longtemps pour pleurer la mort de tes enfants et voir une autre comme je te vois aujourd’hui affublée de tes droits comme tu l’es des miens. Que tes jours de bonheur meurent longtemps avant ta mort et meurs toi-même après de longues heures de désespoir sans n’être plus ni mère, ni épouse, ni Reine. Rivers et toi Hastings, vous étiez présents quand les York poignardèrent mon fils. Je prie Dieu qu’aucun d’entre vous ne meure de mort naturelle. Que vous soyez tous fauchés par un accident brutal ! ». […] Marguerite : « (…) Reste, chien. Tu m’entendras. Si le ciel tient en réserve des châtiments plus terribles que tous ceux que je puis te souhaiter, ô, qu’il les garde jusqu’à ce que tes crimes soient mûrs et qu’alors il les lance sur toi qui trouble la paix de ce pauvre monde. Que le ver du remords ronge ton âme à tous jamais ! Puisses-tu voir des traîtres en tes amis et prendre les plus grands traîtres pour tes amis. Que le sommeil t’abandonne, à moins qu’un affreux cauchemar ne t’accompagne d’affreux démons des enfers ! Avorton, porc fouineur, tu as été marqué à ta naissance par le diable, flétrissure des entrailles de ta mère, exécrable rejet des reins de ton père, détestable… ».
La veuve d’Henri VI, amère et virulente, a perdu son rang de reine et a vu son mari et son fils assassinés. Certaines de ses répliques se présentent sous forme de malédictions à l’égard de celles et ceux qui sont, à ses yeux, la cause de sa déchéance. Elle laisse éclater sa colère avec force : personne n’échappe à ses traits acérés. Les criminels sont devenus les maîtres, et ce constat est insupportable à la redoutable Marguerite, qui n’a rien d’une faible femme éplorée, mais est dotée d’un caractère indomptable, dont la parole venimeuse vaut comme prédiction de malheur. Shakespeare lui accorde un vrai don d’éloquence : elle maudit ses ennemis avec une rage puissante, esthétisée par un vocabulaire férocement flamboyant. De plus, on ne peut que lui reconnaître un courage certain, du fait qu’elle ose affronter Richard, au sommet de sa puissance, en le dépréciant et en l’injuriant de manière provocatrice.

*Les deux ateliers de pratique artistique


Ces ateliers ont permis aux élèves tout d’abord de s’échauffer de manière ludique pour pouvoir se détendre, se déstresser, être en confiance avec le metteur en scène et le groupe, pour ensuite entrer dans un jeu auquel invite la langue de Shakespeare. Il s’agit de s’amuser et d’expérimenter, d’essayer des mises en scènes, d’oser explorer des gestuelles et des intentions en travaillant sur quelques scènes de l’une des deux œuvres, Henri VI -troisième partie - et Richard III.  Ce qui est incroyable, c’est de constater qu’au départ les lycéens sont sur leur réserve, mais qu’au bout de deux heures d’atelier, ils parviennent à surmonter leur timidité, et qu’ils expriment des émotions fortes suscitées par le texte, comme la volonté puissante qu’a Marguerite de renforcer le courage des hommes avant le combat (texte 1), le ton de menace employé par Richard qui prépare des assassinats (texte 2), ou la colère et la haine lors d’un affrontement entre les York et les Lancastre qui se disputent le trône.  

1. Avec les THLP et 1HLP : 09/01/23 de 10h à 12h


Les échauffements proposés se sont appuyés sur des exercices variés : travail sur la respiration, la détente corporelle, dire son prénom haut et distinctement comme si l’on était très éloigné, pratiquer une gestuelle large qui s’autorise à occuper l’espace, rire bien fort, faire des mouvements de tête « à la manière du pigeon », remonter les épaules très rapidement, faire des mouvements en miroir… 

Photos 13, 14, 15, 16 : Les exercices préparatoires avec les HLP (Terminales et Premières).


Puis les élèves se sont répartis en quatre groupes et avaient pour consigne de se répartir les phrases de deux monologues de sorte à montrer, comme l’a dit de façon fort juste le metteur en scène, que les individus sont souvent « plusieurs dans leur tête » ! Les élèves nous ont surpris, à la fois par leurs intonations riches, le séquençage astucieux des phrases et par les essais de mise en scène qu’ils ont essayé d’effectuer. Ils ont eu des intuitions très intéressantes pour donner du relief au texte, qui est vraiment porteur.

Photos 17, 18, 19, 20 : Les quatre groupes sont en train de s’approprier le texte de Shakespeare.


Texte 1 (Henry VI, scène 7) : Richard : « Quoi l’orgueilleux sang des Lancastre rejoint la terre ! Je pensais qu’il jaillirait vers le ciel. Mon arme pleure la mort du Roi. Que tous ceux qui souhaitent la mort des York pleurent des larmes de cette couleur. S’il te reste une étincelle de vie, plonge en enfer et dis que c’est moi qui t’y envoie (il le poignarde à nouveau). Moi, qui ignore la pitié, l’amour et la crainte. A propos, tu disais la vérité. J’ai souvent entendu dire que je suis venu au monde les jambes en avant. Raison de plus pour me dépêcher d’abattre ceux qui spoliaient nos droits. L’accoucheuse était stupéfaite et les femmes criaient ’Dieu nous bénisse, il naît avec des dents’, et c’était la vérité. Cela signifiait qu’en vrai roquet, je saurai un jour grogner et mordre. Puisque le ciel m’a fait un corps pareil, que l’enfer façonne mon âme à l’identique. Je n’ai pas de frère, je n’ai rien d’un frère. Cet amour divin, paraît-il, est bon pour ceux qui ont des parentés. Pas pour moi. Moi, je suis unique. Prends garde, Clarence, tu attires la lumière mais je te prépare un jour sombre comme la poix en répandant des calomnies sur ton dos de sorte qu’Edouard craigne pour sa vie. Et moi, pour le soulager de ses angoisses, je serai ta mort. Henry et son fils sont partis, c’est bientôt ton tour Clarence, puis ce sera celui des autres. Je ne serai rien tant que je ne serai pas suprême. Henry, je vais jeter ton corps dans une autre salle et fêter le jour de ta mort ».


Pour les TGI et THLP : Ce passage montre la violence dont use Richard pour arriver au pouvoir. Il est un assassin au caractère cyniquement pervers, malade d’ambition. Il incarne la folie meurtrière à laquelle peut conduire la démesure, l’appétit féroce de toute-puissance.


Texte 2 (scène 4) : Marguerite : « Messieurs, les hommes sages ne se lamentent pas sur leur malheur. Au contraire, c’est avec un cœur vaillant qu’ils tâchent d’y remédier. Le mât a été emporté par la tempête, nos câbles sont rompus, l’ancre perdue et la moitié de l’équipage a péri dans les flots. Mais le pilote est toujours à son poste. Va-t-il abandonner le gouvernail, et tel un enfant, rejoindre, du flot des pleurs, le flot de la mer ? Va-t-il donner force à qui n’en a que trop ? Sa plainte conduit le vaisseau sur le roc alors que le labeur et le courage auraient pu le sauver. Ah, quelle honte ! Quelle faute ce serait ! Warwick était notre ancre ? Et alors ? Vos amis tués, notre gréement ? Qu’importe aussi ! Oxford Somerset ne sont-ils pas nos nouvelles ancres ? Nos renforts de France ne sont-ils pas nouveaux cordages ? Et mon fils et moi-même, ne sommes-nous pas capables malgré notre inexpérience de conduire le navire ? Nous ne quitterons pas la barre pour nous asseoir et pleurer. Quand bien même la tempête ferait rage, nous éviterons les écueils et les rocs qui nous conduisent au naufrage. Mieux vaut affronter les vagues que flatter l’océan. Et qu’est-ce qu’Edouard, sinon une mer démontée ?  Qu’est-ce que Clarence, sinon des sables mouvants de perfidie ? Qu’est-ce que Richard, sinon un roc funeste et dentelé ? Ce sont eux les ennemis de notre pauvre barque. Vous pensez pouvoir nager ? Vous n’irez pas loin. Prendre pied dans les sables mouvants ? Pour mieux vous y enfoncer. Escalader le roc ? Les flots viendront vous rechercher ou vous mourrez de faim. Des trois côtés, la mort. Comprenez bien, messieurs, que si vous espérez le salut en nous abandonnant, vous ne trouverez que la mort. Courage ! Ce qu’on ne peut éviter, il faut l’affronter avec courage et dignité ».


Pour les 1HLP : texte à mettre en parallèle avec le discours politique délibératif. Marguerite pousse à l’action, à se défendre contre les ennemis. Remarquez qu’elle invoque la nécessité de la situation, comme le texte de Démosthène vu en cours de philosophie, extrait des Philippiques, qui exhorte à se défendre, avant qu’il ne soit trop tard.

2. Avec les TAMC : 10/01/23 de 15h 35 à 17h 25

Photo 21 : Le groupe TAMC avec Serge Lipszyc et Claire Le Van, ayant coordonné l’organisation des ateliers.


Tout d’abord le metteur en scène a créé une ambiance rieuse en proposant des exercices d’échauffement aux élèves, en partie identiques à ceux de la veille, et en partie nouveaux : les lycéens ont joué à mettre au point une gestuelle de groupe dont l’intention était de rendre l’opposition et l’agressivité visibles. Les élèves sont entrés dans le jeu et ont mimé la violence, tout en ne se touchant pas, car il leur était notamment demandé de faire des gestes au ralenti et de les exagérer en les rendant très manifestes.

Photos 22 et 23 : Les exercices préparatoires avec les TAMC.


Ensuite, il leur a été demandé de jouer une scène de combat collectif dans Henri VI, où le clan des York et celui des Lancastre s’affrontent. Ils ont été scindés en deux groupes qui devaient se repousser et prendre la place des autres. Ils ont donc fait semblant de se chasser, de se bousculer, de se combattre, le tout en se retenant souvent d’éclater de rire, tant la situation était amusante, à force d’être caricaturalement offensive !

Photos 24 à 26 : La simulation de faux combats, avec l’introduction d’un texte à déclamer.


Une fois que la gestuelle d’affrontement était en place, le metteur en scène a introduit des répliques qui devaient être prononcées de façon menaçante, forte et bien articulée, par les élèves. Et tout d’un coup, nous avons tous basculé dans un autre temps, et tout en continuant à nous amuser, nous avons ressentis une densité habitée du texte, une réalité de la situation du conflit entre ces deux lignées. Les personnages sont devenus très vivants, si bien que certains élèves ont eu des intuitions créatrices fécondes, notamment un garçon qui pour simuler la supériorité a bombé le torse de façon méprisante, et a toisé du regard le camarade jouant un ennemi, alors qu’il était au départ plutôt discret. C’était un moment intense, fort, jubilatoire, porté par la force des mots de Shakespeare : « Parjure ! … ».

*Répétition ouverte au public


Le mercredi 11/01/23, une répétition ouverte au public, prévue de 14h à 15h 30 sur la base du volontariat, était proposée à l’Espace Rohan. Le groupe théâtre du Lycée Leclerc, accompagné par Mme Niess et Mme Bourreau, ainsi que les élèves du Lycée du Haut-Barr qui suivent l’option théâtre, accompagnés par Mme Laneres et Mme Le Van, ont pu assister aux répétitions d’une scène d’affrontement lors de la guerre civile dite « des Deux-Roses », où le roi Henri VI, affaibli, finit par accepter de céder son trône à Richard Plantagenêt, duc d’York, et à ses fils, Édouard, Georges et Richard, mais seulement à sa mort. Son épouse Marguerite, folle de rage en apprenant la nouvelle, lui reproche sa lâcheté. Ce qui était très intéressant lors de cette répétition, c’est de constater que les acteurs s’amusaient, tout en travaillant avec professionnalisme et exigence. Le metteur en scène a procédé à des ajustements au fur et à mesure, comme un peintre qui apporterait une touche finale à ses œuvres. Nous avons partagé avec eux un moment particulièrement amusant qui nous a fait tous rire : la perruque posée sur la tête en plastique d’un ennemi tué, fausse tête coupée et posée dans un seau en signe de triomphe sauvagement affirmé (aspect effrayant), est malencontreusement tombée, ce qui a tout de suite créé un effet comique inattendu dans ce contexte sombre ! Ainsi, les élèves ont pu voir à quel point le travail de mise en scène est précis, créatif, en interaction avec les acteurs. Il était visible qu’une très bonne cohésion de groupe existait entre les membres de la compagnie, à la fois entre les acteurs sur le plateau, mais aussi avec les techniciens qui devaient ajuster les lumières et le son au jeu des acteurs. Le metteur en scène a répondu à quelques questions d’élèves, notamment sur l’attribution des rôles et a expliqué son choix de confier à une actrice le rôle d’Henry VI pour souligner la douceur du personnage. Il a précisé à cette occasion que pendant très longtemps, il n’y avait que des hommes qui interprétaient des rôles, même féminins, au théâtre. C’était le cas à l’époque de Shakespeare. Ce qui fait par exemple que le rôle de Juliette était joué par un homme à l’époque… !


Photo 27 : Les acteurs s’entrainent et procèdent aux derniers ajustements sous les conseils bienveillants du metteur en scène.

*Le spectacle York


Nous avons eu la chance de pouvoir assister à ce spectacle fascinant, en étant très bien placés, dans les tout premiers rangs, ce qui permettait de voir très distinctement les expressions du visage des acteurs et d’être pleinement pris par l’action de ces deux grandes pièces de théâtre qui se complètent parfaitement : nous avons été embarqués dans un univers particulièrement violent, certes, mais aussi sublimé par les répliques et les tirades des acteurs qui étaient formulées dans un langage captivant, d’une richesse inouïe. Langue poétique, la langue de Shakespeare est une langue théâtralisée, qui se donne en spectacle, de manière éclatante, tantôt pathétique, presque lyrique, parfois amusante, élégante ou féroce. Elle est assurément conçue pour être vue, mise en corps, en bouche, en voix, en scène. Pouvant être parfois merveilleusement bienveillante et iréniste, d’autre fois farouchement destructrice et belliciste, emplie de malédictions effrayantes ou de confidences diaboliques, mais aussi de propos d’honnêtes gens et de prédictions favorables. Le spectateur est confronté à une langue affable ou injurieuse, douce et amère, pécheresse ou vertueuse, transparente ou malicieuse. Vous l’aurez compris, la langue de Shakespeare est très variée dans ses tonalités. Elle a exercé un véritable pouvoir de fascination, magnétique, sur l’auditoire, car elle était déclamée par des acteurs d’excellent niveau, guidés par un metteur en scène généreux et authentique. Pour le spectacle York, qui présente en des tableaux somptueux et épurés, le conflit des « deux roses », on pourrait à juste titre parler d’une « guerre des langues » qui finit par une réconciliation, permettant de restaurer la concorde, ainsi qu’une « paix langagière ».


1. Le 13/01/23 pour les TAMC

Photo 28 : Le groupe des TAMC devant l’Espace Rohan, ayant assisté à Henri VI destiné aux scolaires, avec Mme Aurore Bernard.

2. Le 14/01/23 pour les TG1, THLP et 1HLP

Photo 29 : Un mot d’accueil chaleureux du directeur de l’Espace Rohan, M. Denis Woelffel.

Photo 30 : Les TG1, 1HLP et THLP sur les marches des escaliers de l’Espace Rohan lors de l’entracte entre Henri VI et Richard III, avec Mme Jezequel et Mme Montembault, Mme Laneres et Mme Le Van.


Merci à toutes celles et ceux qui ont rendu ce magnifique parcours possible : à notre direction au lycée du Haut-Barr, M. Buttner, Mme Jezequel, Mme Montembault, à mes collègues au lycée, Mme Laneres et Mme Bernard, ainsi qu’à l’équipe de l’accueil. Un grand merci à nos interlocuteurs.trices de l’Espace Rohan, en particulier M. Woelffel, Mme Dudt et Mme Gerber. Merci à la compagnie du Matamore, en particulier à Serge Lipszyc et Yann Siptrott. Merci à Jean-Charles Fischer, correspondant des DNA. Merci aux élèves qui ont joué à ce jeu à la fois rieur et sérieux, à cette comédie très humaine (dans tous les sens du terme !), et ont effectué avec joie ce parcours théâtral fascinant et stimulant !

Claire Le Van


*Lien vers le dossier pédagogique. 


Article DNA du jeudi 12 janvier 2023, « Lycée du Haut-Barr : un atelier shakespearien parfaitement interprété ».