Lycée du Haut-Barr

- 67700 Saverne -

 
Photo 1 : À l’arrivée, les élèves du Haut-Barr, qui bénéficient de l’abonnement en soirée à l’Espace Rohan, sont ravis de se retrouver pour un spectacle amusant et enjoué, accompagnés par Edwige Lanères et Claire Le Van, avec le maire Stéphane Leyenberger, l’adjoint à la culture François Schaeffer et le directeur des Affaires culturelles Denis Woelffel.
 
Les élèves s’installent dans la partie haute du théâtre, près de la table de son et des cabines techniques, et c’est ainsi qu’ils seront invités à jouer les « commissaires-claqueurs », dont la mission consiste à ponctuer le spectacle d’exclamations enthousiastes : « que c’est bien ! », « fantastique ! », « bravo ! », rôle qu’ils vont accomplir avec un zèle rieur ! 
Photo 2 : Les élèves du Haut-Barr sont placés en haut : une fois de plus, la barre est haute !
 
 
Photo 3 : Les lycéens du Haut-Barr avec Claire Le Van. 
 
 
Photo 4 : Denis Woelffel, directeur de l’Espace Rohan, prononce un mot d’accueil chaleureux et se félicite d’être parvenu à dépasser la barre des 1000 abonnements !
 
 
Photo 5 : L’affiche du spectacle.
 
 
Photo 6 : Mlle Fauvette (Alice Noureux), Auguste Levasseur (Fred Radix) et Dugommier (Guillaume Collignon).
 
Le spectacle « La Claque » constitue une mise en abîme, au sens où il nous interroge sur ce qu’est le théâtre et ce qui fait son succès, au moyen de deux pièces enchâssées. La première histoire se situe en 1895 dans un théâtre parisien. Auguste Levasseur, chef de claque, grâce à des complices disséminés dans le public, fait en sorte que des applaudissements se manifestent aux moments phares pour donner l’illusion d’un enthousiasme spontané. Mais Auguste est en difficulté ce soir-là, car sa claque professionnelle l’abandonne au dernier moment. Il charge Dugommier, régisseur de théâtre, de trouver des remplaçants amateurs, à savoir le public réel assis en salle Jean-Louis Barrault, qu’il faudra former à l’art de la claque, qui comprend diverses formes d’applaudissements (dont l’intensité et la cadence sont variables), mais aussi des réactions telles que des larmes d’émotion, des « hou » face aux personnages repoussoirs, la manifestation d’un enthousiasme débordant avec des « bravo » sonores, « merveilleux ! », « magnifique ! » aux moments clefs, etc.
 
 
Photo 7 : Mlle Fauvette, Dugommier et Auguste Levasseur en plein entraînement pour initier les apprentis-claqueurs que nous sommes.
 
Afin que les claqueurs novices soient rôdés à l’exercice, il convient de les entraîner en faisant dérouler rapidement les cinq actes de l’Odyssée de Balbuzard en leur indiquant les réactions à manifester à tel ou tel moment. Pour effectuer cette répétition, Dugommier mobilise sa sœur accordéoniste, Mlle Fauvette, féministe avant l’heure et grande amoureuse, qui fera à elle seule office d’orchestre fictif !  
 
 
Photo 8 : Dugommier, Mlle Fauvette et Levasseur en train de lire le texte de la tragédie antique « L’odyssée de Balbuzard ».
 
La deuxième histoire, centrée sur l’idylle amoureuse du preux Balbuzard et de la belle princesse Iris, est une parodie de tragédie antique, où tout est caricatural jusqu’au texte en rimes convenues et à l’histoire aux ficelles prévisibles, ce qui génère un indéniable effet comique. Contrefaçon de la tragédie, les aventures de Balbuzard se déploient selon un schéma classique détourné, où le prétendu grandiose devient exagération déjantée et jubilatoire. Et la salle d’applaudir à ce navet tragique, avec un enthousiasme pour le coup réel, tellement la parodie est hilarante ! 
 
 
Photo 9 : Les trois acteurs jouant les aventures de Balbuzard.
 
Ce spectacle regorge de trouvailles ingénieuses, de jeux de mots impertinents et drôles, de situations qui jouent sur les caractéristiques du théâtre : chœurs pseudo-antiques, chansons relevées qui semblent appartenir à une comédie musicale, quête amoureuse éperdue, redoublée d’une rencontre amoureuse entre Auguste et Mlle Fauvette, où la figure du frère jaloux se dédouble dans les deux histoires enchâssées, générant des situations cocasses, notamment lors de la fameuse scène « du baiser ». 
 
 
Photo 10 : Le frère jaloux s’interposant dans la scène du baiser !
 
Les quiproquos et les exagérations émaillent l’action, la fin tragique avec un triple assassinat pathétiquement caricatural met les trois personnages hors-jeu d’une manière ludique. L’aspect factice du théâtre, qui est avant tout scène de liberté où l’imagination est reine et où tous les coups sont permis, est ainsi rendu visible… Les spectateurs intégrés à la pièce, tout en se moquant de cette pseudo-tragédie, s’amusent de leur rôle de claqueurs amateurs faisant des ovations à une pseudo-tragédie hilarante, tout en applaudissant à ce spectacle réussi, rudement bien pensé, construit et agencé, qui fait penser à une illusion comique ! 
 
 
Photo 11 : L’équipe du lycée du Haut-Barr, qui bénéficie des abonnements en soirée, se retrouvera à l’Espace Rohan jeudi 25. 01. 2024 pour un spectacle de danse intitulé « Nel Nome Del Figlio » et mercredi 31. 01. 2024 pour la pièce « L’occupation » d’Annie Ernaux.
 
Merci à l’Espace Rohan et en particulier à Denis Woelffel et à ses équipes !
Merci au lycée du Haut-Barr et en particulier à Morgane Montembault pour son aide à l’organisation de cette soirée, et à ma collègue et complice Edwige Lanères !
Merci aux élèves d’avoir tenté l’aventure qui ce soir-là était résolument rieuse !
 
Claire Le Van, 09. 12. 2023
 

Petit article sur La Claque, spectacle vu à l’Espace Rohan, le vendredi 8 décembre 2023

 
Photo 12 : Edwige Lanères entourée d’élèves du Haut-Barr.
 
Clap ! Clap ! Clap ! Bravo ! Bravoooo !
 
Quel spectacle ! Après une représentation plus intimiste d’Hamlet, la veille, à Strasbourg, ce soir nous assistons à une comédie légère et divertissante, pleine de rythme et d’énergie. Trois artistes de grand talent nous galvanisent et nous métamorphosent en claqueurs et en claqueuses, le temps d’une prétendue répétition qui n’est autre que le spectacle lui-même.
De prime abord, quand on nous annonce que le lycée du Haut-Barr se trouve relégué au fond, tout en haut de la salle, au niveau de la régie, nous faisons la moue. Qu’avons-nous fait pour mériter cela ? Les élèves ont toujours une tenue exemplaire, et quand un téléphone s’allume, il ne leur appartient pas. Mais soit, installons-nous aux derniers rangs.
Heureusement, Auguste Levasseur, chef de claque incarné par le pétillant Guillaume Collignon, ne nous oublie pas, dans sa distribution des rôles. Les rangs du fond deviennent des ambassadrices et ambassadeurs criant « Bravo ! » « Super ! ». Au centre de la salle se trouvent les chatouilleuses et chatouilleurs, qui lancent les rires. « C’est trop, prévient le chauffeur de salle quand cette partie du public s’esclaffe sur commande. Vous devez suggérer les rires, et non les exagérer. » Côté cour, les pleureuses doivent geindre sur les scènes d’amour. Et côté jardin, les hueurs sont missionnés pour huer le méchant de la tragédie antique mise en abîme : L’odyssée de Balbuzard.
Par ses exhortations, notre « chef d’orchestre » chauffe à blanc les élèves, qui s’en donnent à cœur joie ! Jade saute sur son siège, Timm et Romain frappent dans leurs mains à chaque fois que Yann, Gabin et Lucas suggèrent la cadence -c’est un trio de claqueurs professionnels ; je les soupçonne d’avoir été payés par le metteur en scène pour ‟ambiancer” la salle-. Nous appliquons à la lettre les enseignements du maître de claque : frottements des paumes pour imiter les cigales ou les grillons ; tapotements pour provoquer en douceur les réactions du « vrai public », applaudissements aigus en tapant à pleines mains ; applaudissements graves et sonores en creusant les mains pour ménager une caisse de résonnance, rires légers ou gras, pleurs, huées… La salle forme un orchestre bien ordonné, parfaitement au point ! Quel plaisir, de participer activement au spectacle ! C’est un véritable exutoire, au sein d’une période de travail intense.
Fauvette -Alice Noureux- est incroyable. Elle nous fait rire, danser, gesticuler, et rire encore ! Son lourd accordéon chromatique devient son partenaire de danse, elle valse en jouant les airs composés par Fred Radix, l’auteur de la pièce : c’est ce grand garçon svelte qui incarne son grand frère protecteur -et possessif-. L’actrice chante à merveille, prend des postures tantôt comiques, tantôt séduisantes, et nous devinons, malgré la distance, que ses expressions de visage sont aussi éloquentes que son langage corporel. Quand elle joue Balbuzard à quatre pattes dans un tunnel, répétant trois fois chaque parole pour imiter l’écho, c’est un morceau d’anthologie ! L’assistance rit aux éclats ; cette artiste est épatante, singulière, tellement talentueuse !
Le trio fonctionne à merveille, chaque enchaînement est huilé comme une chaîne de vélo, les rebondissements sont légion, le second degré désopilant. Ce spectacle est une joyeuse catharsis ! Une purgation de l’âme qui ne doit plus rien à la terreur ni à la pitié, mais tout à la joie et au rire !
Et puis nous attrapons au passage quelques notions intéressantes. D’emblée, Auguste Levasseur, inaugurant la « répétition » à laquelle nous participons, nous explique qu’au Ier siècle avant Notre Ere, lorsqu’il plaisait à l’empereur Néron de jouer les histrions, et qu’il se mettait à jouer et à chanter, ses soldats, par milliers, chantaient ses louanges. Du XVIè au XIXè siècle, la pratique de la claque, consistant à offrir des billets aux spectatrices et spectateurs en échange de leurs applaudissements, a pris une ampleur considérable. Une agence de claqueurs a même été créée, à Paris, quand Victor Hugo n’avait que 18 ans ; la claque était devenue une véritable institution, et la fonction de chef de claque, un métier rentable.
Quand on y songe, cette pratique existe toujours. Il suffit de se rendre dans un studio d’enregistrement d’une quelconque série ou émission télévisée pour s’en convaincre : des médiatrices tendent des panneaux portant des mots simples : « rire » « applaudir fort », et des images à l’avenant. Le rire est communicatif, et les producteurs de spectacles savent tirer parti de cette irrésistible contagion !
Quoi qu’il en soit, nous avons toutes et tous aimé ce spectacle haut en couleurs et en musique ! 
« - Ils ont brisé le 4ème mur ! me glisse un élève à l’oreille en sortant. 
- Tu as raison, il a volé en éclats, ce mur : pulvérisé ! »
De fait, le public faisait partie intégrante de la représentation, un peu comme en cours, quand les élèves incarnent des rôles : en devenant tantôt Hamlet, tantôt Ophélie, Alceste, Célimène, voire un groupe nominal ou une épithète, les jeunes éprouvent bien plus de plaisir à apprendre qu’en restant perpétuellement sur leur chaise. Le placere épouse le docere, et la culture reste vivante !
Un immense merci à la troupe de Fred Radix, au personnel de l’Espace Rohan, et aux élèves enthousiastes !
Nota Bene : La totalité de mon article est rédigée en écriture inclusive (par exemple : j’écris le GN épicène « les élèves » plutôt que « les lycéens »). Ma prose vous a-t-elle paru incompréhensible pour autant ?   ;-)
 
Edwige Lanères, 10. 12. 2023.
 
 
Photo 13 : Fred Radix fait revivre le métier de claqueur à travers un spectacle musical qui fait largement participer le public.
 
 
Photo 14 : Les élèves enchantés ont applaudi avec fougue à ce spectacle enthousiasmant ! Ils sont désormais des experts en matière d’ovation !