Photo 1 : Serge Lipszyc et Yann Siptrott débutent l’atelier de pratique artistique en offrant aux élèves une interprétation brillante de l’acte 1 scène 1 du « Misanthrope » de Molière, qui déclenche l’hilarité.
« C’est pour sensibiliser les élèves de 1HLP et THLP à la langue de Molière, aux réflexions autour de la pertinence de dire ou non la vérité aux autres, et à la manière de donner corps et voix à ce texte somptueux, que Serge Lipszyc et Yann Siptrott sont intervenus dans le cours de philosophie de Claire Le Van, en présence de sa collègue de Lettres, Edwige Lanères, le vendredi 23 février 2024. Dans « Le Misanthrope » de Molière, toute l’intrigue se noue autour de deux personnages, Alceste et Philinte, qui incarnent respectivement la misanthropie et la philanthropie. Jusque-là, rien de bien surprenant, ils sont respectivement porte-paroles de deux conceptions anthropologiques antagonistes, l’une pessimiste, l’autre optimiste. Mais ce qui est plus inédit, et qui ajoute un aspect fort comique à la situation, c’est que notre misanthrope tombe amoureux d’une parfaite mondaine possédant tous les traits de caractère qu’il abhorre : elle est coquette, médisante, manipulatrice et séductrice. Pour un homme étant en quête de sincérité absolue, véritable apologue du discours franc et loyal, de l’intégrité morale, voulant bannir toutes les complaisances, voilà qui est pour le moins paradoxal !
Mais l’amour est aveugle, rétorquera-t-on. Oui, assurément. Néanmoins, ces deux personnages aux traits de caractère si opposés vont finir par comprendre que leur liaison est impossible. En effet, le bougon et honnête Alceste va s’employer à essayer de corriger le comportement hypocrite et superficiel de son amante, qui ne se laissera d’ailleurs pas si aisément remettre sur le droit chemin ! En effet, elle se joue de lui, comme de tous les autres hommes qui la courtisent. Philinte essayera en vain d’ouvrir les yeux de son ami, auquel le terme même « d’ami » déplaît, le trouvant employé à la légère. Et pourtant c’est bien en véritable ami que Philinte lui dépeint les travers de cette jeune femme aussi inconsistante. Alceste ne renoncera à cette relation qu’après avoir enduré bien des vexations narcissiques, pour le plus grand bonheur du public qui s’amuse des déconvenues prévisibles de notre misanthrope amoureux. La question philosophique reste néanmoins posée : faut-il choisir la franchise ou l’hypocrisie ? Autrement dit, toute vérité est-elle bonne à dire ? »
Claire Le Van
Photo 2 : Les élèves positionnés en cercle autour des acteurs sont inclus dans la mise en scène.
« Le vendredi 23 février 2024, nous, élèves de 1ère HLP, avec les terminales HLP, dans le cadre de notre cours de philosophie avec Mme Le Van, nous avons été accueillis par le comédien et metteur en scène Serge Lipszyc et l’acteur Yann Siptrott, tous deux très talentueux, qui nous ont offert une magnifique interprétation de la scène d’ouverture du « Misanthrope » de Molière. Nous nous sommes assis en cercle, et nous avons été embarqués tout de suite dans une mise en scène originale et ludique de l’acte 1, scène 1, de la pièce, où Alceste désespère des complaisances hypocrites dont font preuve les personnes à la Cour, et où Philinte essaye de lui faire convenir du fait qu’il faut être affable et poli pour vivre en société. Serge Lipszyc jouait Alceste, le misanthrope, tandis que Yann Siptrott interprétait Philinte, le philanthrope comme l’étymologie de son nom l’indique. Notre première impression a été une surprise amusée, en raison d’un accueil vivant et stimulant, totalement inattendu. Ensuite, nous avons été subjugués par la qualité de leur jeu brillant, rieur et captivant. De plus, pendant la brève représentation qu’ils nous ont offerte, les deux acteurs ont su abolir la distance entre eux et nous. Ils nous ont intégrés dans la scène, en établissant des contacts physiques et visuels avec nous. Cette scène d’ouverture nous a donné un avant-goût savoureux de la pièce complète, qui a été remarquablement jouée le 12 mars 2024 à l’Espace Rohan de Saverne ».
Maxime Pereira Santos, Emmanuel Wilt, Antoine Nicolas
Photo 3 : Le misanthrope affirme haut et fort détester le genre humain en raison de ses hypocrites accommodements, l’indulgence impliquant la bassesse.
Photo 4 : Philinte va essayer de ramener Alceste à la raison : il est nécessaire de recourir à des formules de politesse et à des compliments d’usage pour huiler les relations sociales.
« La classe a été divisée en deux sous-groupes pour préparer l'extrait de la pièce que nous devions interpréter. Nous avons répété dans deux salles distinctes, afin de ne pas travailler dans le vacarme. En ce qui nous concerne, nous sommes restés dans la salle 117, avec Serge Lipszyc, qui nous guidait et nous rendait sensibles aux subtilités du texte, tant au niveau de l'élocution que de la gestuelle, afin de donner vie à cet extrait. Ensuite, nous avons réparti les répliques entre nous, chacun se voyant attribuer un passage plus ou moins long. Pour intimider nos adversaires, nous avions instauré un cri de ralliement, que nous avons tous scandé ensemble, avec emphase et puissance : "MORBLEU !", exclamation que nous devions tous prononcer simultanément 😉. Après les dernières mises au point, nous étions prêts à relever le défi et à présenter notre version du dialogue houleux entre Alceste et Philinte ».
Achi Sara et Kamis Boran
Photo 5 : Le sous-groupe avec Serge Lipszyc s’entraîne à lire de façon vivante l’acte 1, scène 1.
Photo 6 : Emmanuel Wilt est désigné par le metteur en scène pour prendre en charge un passage amusant du texte.
« Personnellement, j'étais dans le groupe avec l'autre artiste, Yann Siptrott. Nous nous sommes réunis en cercle, debout, ce qui nous permettait de nous regarder mutuellement. Le comédien nous a alors attribué de manière aléatoire une réplique. Il nous a aidés à exprimer ces passages avec justesse pour transmettre les émotions appropriées et nous imposer lors du duel ludique avec l'autre groupe. Notre entrée en scène se faisait par une déclamation groupée de l’injure "MORBLEU !". Afin que nous soyons tous synchronisés, un élève, Antoine, se chargeait discrètement d’effectuer un décompte pour nous donner le « top départ » pour que nous puissions tous affirmer ce juron haut et fort. C’était très amusant d’évoquer un propos injurieux suranné et révolu, cela avait un côté décalé et hilarant ! ».
Maïlys Gangloff
Photo 7 : Yann Siptrott donne aux élèves des clefs pour interpréter le texte.
Photo 8 : L’acteur souligne l’importance du regard et de la gestuelle lors des répliques, ce que Zoé Debès parvient à réaliser avec brio.
« Lors de la rencontre captivante de la classe de 1HLP avec le metteur en scène Serge Lipszyc et l’acteur Yann Siptrott, notre classe a été scindée en deux groupes, afin de préparer chacun de son côté certaines répliques de l’acte 1, scène 1, de la pièce Le Misanthrope de Molière, afin de les présenter ensuite devant l’autre moitié de la classe. Une rivalité amicale, emplie de rire, a vu le jour entre les deux groupes et leur guide respectif, à savoir les deux comédiens. Suite aux interventions de Serge Lipszyc pour corriger notre diction, nous avons présenté chacun à notre tour nos répliques, le tout dans un dynamisme joyeux. Le metteur en scène nous a appris à développer notre gestuelle théâtrale grâce à sa connaissance experte en la matière. Il a été de très bon conseil pour nous aider à gagner en aisance oratoire et en gestuelle adaptée aux répliques. Lors de notre représentation, chacun voulait donner le meilleur de lui-même : les deux groupes ont échangé un grand nombre d’actions énergiques, avec des dialogues au ton vigoureux accompagnés de mouvements de bras majestueux. Un langage corporel nous a été enseigné pour soutenir la force de nos propos. Cet échange entre élèves et professionnels nous a apporté des éclairages sur la mise en scène, ainsi que de lumineuses explications sur la célèbre pièce de Molière ».
Muller Bérénice, Maylys Trautmann et Oriane Mortz
Photo 9 : Les deux sous-groupes sont rassemblés, ils vont chacun défendre leur interprétation du texte par une simulation de l’échange tendu entre Alceste qui en veut à tout le genre humain et Philinte qui adopte une position emplie de mansuétude.
Photo 10 : Le sous-groupe ayant répété avec Yann Siptrott est prêt à entrer en confrontation avec l’autre sous-groupe : faut-il, oui ou non, être franc dans les relations humaines ?
Photo 11 : Serge Lipszyc donne des conseils à Antoine Nicolas et Siméa Wolff pour accompagner leurs répliques de gestes adaptés.
Photo 12 : Rose Klersy doit garder la main levée en signe d’affirmation de l’idée selon laquelle il convient d’être affable pour adoucir les relations interhumaines, tandis qu’Emmanuel Wilt doit adopter une attitude de fermeté pour soutenir que la vérité vaut mieux que les flatteries.
Photo 13 : Le misanthrope, interprété ici par Solène Marinho, fait savoir haut et fort sa détestation du genre humain, qu’on se le dise !
Photo 14 : Lou Woelfel, jouant un Philinte complaisant, s’adresse à un Alceste à terre, désespéré de la perfidie de ses congénères !
Photo 15 : Serge Lipszyc aide Maxime Pereira-Santos à trouver le bon geste pour défendre son idée avec opiniâtreté : le monde est corrompu, déclare le misanthrope résolu à s’isoler.
« Après avoir lu le texte de Molière tout d’abord sans mise en scène, nous avons eu la précieuse opportunité de répéter la scène à plusieurs reprises en nous investissant pleinement dans nos rôles, de manière à ce que chaque interprétation, grâce à des gestes théâtraux saisissants, mette en lumière les subtilités du texte. À tour de rôle, nous nous sommes levés pour réciter notre texte en accompagnant nos paroles de gestes amples, cherchant ainsi à illustrer les émotions que nous souhaitions transmettre à nos camarades qui faisaient office de public. Nous avons recouru à un jeu corporel où les gestes étaient très expressifs, comme par exemple des mains figées en l’air, des jambes pliées dans un mouvement de soumission, le fait de s’accroupir ou de tourner en rond. À ce travail gestuel s’est ajouté un exercice de la voix où il s’agissait de parler plus ou moins fort, tout en s’avançant à une vitesse variable. À la fin de notre réplique nous devions conserver la pose dans laquelle nous étions, figeant nos expressions dans l'espace, telles des statues de marbre. Peu à peu, la scène se remplissait de ces êtres pétrifiés, chacun représentant une facette différente de l'expérience humaine, capturée dans un moment d'intensité vécue. C’était une séance très instructive et très forte dans le cadre de nos cours de philosophie de la spécialité HLP ».
Koehl Émilie, Freund Elina, Rohrbach Emma
Photo 16 : C’est à Oriane Mortz d’interpréter le misanthrope, refusant net de suivre les conventions sociales, ce qui ne peut que désoler Philinte, interprété par Kamis Boran.
Photo 17 : Serge Lipszyc montre à Kamis Boran comment effectuer les bons gestes pour souligner son propos.
« Nous avons passé un moment chaleureux, lumineux et instructif avec Serge Lipszyc et Yann Siptrott, ce fut une rencontre profondément marquante. Ils sont parvenus en un temps relativement court à nous apprendre quelques rudiments du jeu théâtral qui consistaient à nous faire adopter une gestuelle adaptée au texte afin de nous mettre dans la peau des acteurs. Nous avons pu voir ces comédiens talentueux dans un autre contexte que sur scène, ce qui nous a permis de les découvrir autrement, au naturel, lorsqu’ils ne sont plus en train de jouer leur rôle. Leur gentillesse et leur enthousiasme nous ont conquis. Devoir nous mettre dans la peau des acteurs nous a fait prendre conscience qu’acteur est un métier, et pas seulement un loisir, car le théâtre est une discipline à la fois exigeante et ludique qui s’apprend avec des techniques à maîtriser. Nous les remercions très cordialement pour cette magnifique séance vécue avec eux : ils nous ont offert une prestation de grande qualité avec bonne humeur et jubilation, et nous avons pu améliorer nos compétences oratoires, tout en nous amusant beaucoup, du fait que l’on sortait de nos attitudes ordinaires d’élèves pour entrer dans une expérience joueuse et libératrice. Toute notre gratitude à la compagnie du Matamore. Nous remercions l’Espace Rohan qui nous a ouvert les portes de son théâtre avec hospitalité pour voir le spectacle le « Misanthrope » de Molière. Un grand merci aussi au lycée du Haut-Barr, à la direction et aux professeures Mme Le Van et Mme Lanères, qui ont rendu ce projet stimulant possible ».
Reeb Laura, Wolff Siméa, Klersy Rose
Photo 18 : À la fin de la séance, Serge Lipszyc, Edwige Lanères, Yann Siptrott et Claire Le Van se félicitent de ce bon moment offert aux élèves de la spécialité HLP.
L’enseignante de philosophie souligne par un geste élevant l’importance de ces moments d’immersion joyeuse dans la créativité artistique propre à l’univers théâtral. Cette séance ludique et inspirée, dans l’esprit de Molière, restera gravée dans nos mémoires comme un excellent souvenir ! Merci à Serge Lipszyc et Yann Siptrott d’avoir offert aux élèves cet atelier de théâtre jubilatoire ! Il faudra revenir au Lycée du Haut-Barr, où la barre est décidément haute !
Cet atelier de pratique artistique a pu être mis en place grâce au soutien de la direction du lycée du Haut-Barr, le proviseur Roland Buttner, la proviseure-adjointe Laurence Jézéquel et la gestionnaire Morgane Montembault, et grâce à l’Espace Rohan de Saverne, dirigé par Denis Woelffel et son équipe, notamment Sophie Dudt. Un grand merci !